Monday, April 28, 2008

Moïse et al. -8000. Genèse 2 (4): pages 0-1


Answers Research Journal, lancé en ligne le 9 janvier 2008, s’annonce comme un journal technique comportant un système de révision par les pairs. Son objectif: «La publication de recherches scientifiques et d’autre types de recherches pertinentes suivant la perspective de la Création récente et du Déluge (sic) dans un cadre biblique» et de «procurer les résultats de recherche qui démontrent la validité du modèle de la jeunesse de la Terre, du Déluge, de la provenance des espèces par création et des autres indicationscohérentes avec le récit biblique des origines».

Un tel journal découle d’un courant du monde créationniste qui désire démontrer scientifiquement l’interprétation littérale de la Bible. On peut penser que c’est leur droit. C’est vrai, en un sens, mais il est faux d’affirmer que c’est de la science.

Cette attitude vient de la perception qu’une Bible symbolique et mythique est sans valeur.
Lors de l’écriture de ces textes sacrés, aucun rideau de fer n’isolait le monde mythique du monde cartésien. Chacun représentait une facette de l’expérience humaine. L’ascension de la science dans le monde occidental a polarisé ces deux facettes. La science s’est laissée désigner comme source de vérité unique. Dans certains cercles d’orthodoxie religieuse, inquiets, on s’est donné pour mission de démontrer scientifiquement l’ineffable, de prendre à la lettre des récits aidant à ressentir, pas à réfléchir…

On ne fait pas de la science en décidant dès le départ ce que l’on démontrera, et ce en rejetant les autres modèles!

Lorsque l’on feuillette Answers Research Journal, de plus, on réalise vite que la même approche créationniste est adoptée: on vise moins à démontrer le créationnisme qu’à trouver des incohérences dans le modèle de actuel de l’évolution… On assume que, si le modèle de l’évolution est inexact, le créationnisme est vrai.

Lorsque l’anti-science se donne des allures de science et qu’elle adopte son vocabulaire et ses apparences, on risque de confondre le public. Armés de tels journaux ou de cris de ralliement comme «dessein intelligent» et profitant de la crédibilité bâtie par la science au cours des siècles, certains se targueront de conclusions efficaces obtenues de façon cartésienne. La religion en elle-même n’est pas de l’obscurantisme, mais la prétention que l’on peut ou que l’on doit la démontrer scientifiquement en est.

Les milieux scientifiques peuvent discerner les égarements de ce type, mais le public peut peiner à établir cette différence.

Qu’en est-il de nos décideurs? Plusieurs se plaignent déjà de la déformation ou de la suppression de la science par l’administration Bush aux États-Unis. On ne doit pas non plus imaginer que le Canada est complètement à l’abri. Le gouvernement conservateur a aboli cette année le poste de Conseiller scientifique national. Plusieurs doutent du poids qui sera accordé au nouveau Conseil de la science, de la technologie et de l’innovation.

Si les voix du monde scientifique ne sont pas écoutées, on ouvre la porte aux charlatans qui, sous un voile de pseudoscience, tâchent prouver «Voici les origines des cieux et de la terre, quand ils furent créés». La phrase est-elle plus tangible si, au lieu de citer «Genèse 2:4», on cite «Moïse et al. -8000. Genèse 2 (4): pages 0-1»?

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