Monday, April 28, 2008

Molécules : chimiques ou naturelles?

13 septembre 2007, parlement de la Nouvelle-Zélande – La députée Jacqui Dean présente un projet de loi visant à bannir le DHMO. Cette substance, le monoxyde de dihydrogène ou acide hydroxylique, est le principal constituant des pluies acides : il accélère la corrosion des métaux. Sous forme gazeuse, il cause des brûlures graves. Le DHMO explose au contact du sodium et peut causer l’asphyxie.

Même confrontée à ces faits, l’industrie continue à utiliser le DHMO comme solvant et comme additif alimentaire. Il sert à distribuer les pesticides et à opérer des centrales nucléaires. Chaque jour, nous sommes exposés à des quantités importantes de ce produit. Le silence des gouvernements sur le DHMO résulterait-il de pressions de la part des lobbys industriels?
À ce jour, tous les pays taisent les dangers du DHMO à leur population.Le projet de loi de Jacqui Dean a été rejeté aussitôt présenté. Pourquoi? Le bureau du ministre de la Santé a refusé de bannir… l’eau.

On a poliment informé la députée que le monoxyde de dihydrogène n’est que le nom chimique du bon vieux H2O. Jacqui Dean a été victime d’un canular circulant depuis 1989. La campagne anti-DHMO tente d’illustrer à quel point il est facile d’induire la panique et la confusion au sein du public à coups de jargon et d’arguments tronqués. La réaction que le canular suscite en révèle davantage sur notre société, au bord de la… chimiophobie. Les produits s’annoncent biologiques pour contraster avec les produits «chimiques». Mais qu’est-ce qu’un produit chimique par rapport à un produit naturel? On prétend qu’il y aurait deux classes de substances : les chimiques, créées par l’homme, et les naturelles, provenant de la nature.

Aujourd’hui, c’est une frontière imaginaire qui sépare le naturel du chimique dans la vision populaire. Une molécule extraite d’une source naturelle sera identique à celle synthétisée par l’homme. Les écarts passés ont suscité la méfiance envers les produits inventés et fabriqués en laboratoire. Dans le même élan, les produits tirés de «la nature» ont été idéalisés. Mais la source d’un produit ne garantit pas son caractère sain pour l’homme, pas plus qu’elle ne laisse présupposer un danger.

La perception, erronée, qu’une molécule naturelle sera nécessairement bénéfique est trop souvent répandue par les médias et fait la fortune des publicitaires. Induits en erreur par cette perception, certains dépensent des fortunes pour des produits de santé naturels non testés, aux dépens de médicaments. Des produits anodins ont même été bannis.

L’inconnu effraie, et bien souvent l’information que nous recevons, même par le biais de médias bien intentionnés, est colorée pour mieux nous accrocher. Nos peurs et nos préjugés complètent le travail. Comment faire la part des choses sans posséder une formation avancée en chimie, en toxicologie, en pharmacologie ou en biochimie?

Il n’y a pas de solution magique. Un nom compliqué n’est pas synonyme de danger, pas plus que les adjectifs naturel ou biologique ne sont des preuves de qualité. L’aspirine est cinq fois plus toxique que l’acétone – du solvant à vernis. La caféine (nom chimique : 3,7-dihydro-1,3,7-trimethyl-1-H-purine-2,6-dione), elle, l’est 20 fois plus. Pourtant, qui de nous est mort d’une tasse de café?

Tout peut être toxique une fois dépassé un certain seuil et, présenté sous un angle particulier, tout peut avoir l’air dangereux… même l’eau.

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